Matinée du vendredi 26 août 2022
En présence d’une centaine de participants, la commémoration s’est déroulée devant les stèles portant les noms des 587 Juifs assignés à résidence à Aulus-les-Bains en 1942.
Chaque prise de parole a été l’occasion de cerner au plus près le contexte dans lequel la rafle du 26 août 1942 s’est effectuée.
La réalité du village d’Aulus-les-Bains pendant la guerre, la conférence de Wansee qui prépare la solution finale, la collaboration indigne du régime de Vichy et la brutalité inouïe de la rafle mais aussi le courage, la solidarité de certains Aulusiens qui aidèrent des assignés à fuir vers l’Espagne ainsi que les devoirs de notre République sont toutes les composantes qui ont été évoquées par les différents intervenants.
Cette cérémonie de commémoration fut belle, forte, émouvante et pleine d’enseignement pour tous les participants.
Après-midi du vendredi 26 août 2022
Une soixantaine de personnes a assisté au magnifique film de Mathieu Ortlieb « Les petits cailloux blancs » retraçant le parcours de Isi Véléris et de sa mère assignés à résidence à Aulus-les-Bains en 1942.
Une proposition artistique a immédiatement suivi le film. Isabelle Baillet à l’accordéon, Marielle Auger au violoncelle, Charlotte Lewden à la danse et Danick Florentin à la voix ont évoqué en un spectacle intense et bouleversant cette période tragique.
Musique, corps et voix se sont conjugués en accords, ruptures, stridences, douleur et douceur pour offrir au public dont l’écoute et la concentration étaient remarquables, une vision artistique vibrante de l’histoire particulière de cette vallée et de ceux qui l’ont traversée. Ont été ainsi mêlées l’histoire d’un village perdu aux confins des Pyrénées et l’Histoire « avec sa grande hache ».
Le samedi 27 août 2022
Une randonnée vers la cascade d’Ars, sur un des chemins empruntés par les passeurs et les fugitifs a réuni une quinzaine de personnes dès 7h30 du matin. Cette marche était encadrée par 3 gendarmes du Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne (PGHM). Les participants ont également pu bénéficier des commentaires avertis de membres de l’association, Bernadette Rogalle, fille de Jeanne Rogalle et Olivier Nadouce, historien local et collecteur de mémoire, qui ont accompagné le groupe.
Le discours du 26 Août 2022
Le 6 janvier 1942, Cheneaux de Leyritz, Préfet de la région de Toulouse ordonne l’ouverture de 3 centres régionaux d’assignation : Aulus-les-Bains en Ariège, Lacaune dans le Tarn et Tournon dans le Lot et Garonne. Ce seront, je cite, des « centres destinés à recevoir des individus dont les agissements, l’attitude, la nationalité ou la confession constituent des facteurs de mécontentement et de malaise dans la population ».
Le langage administratif est sec, implacable, pointilleux. Il est aussi insidieux. De l’identité humaine, de sa singularité, il ne reste que le néant de l’expression « individu » susceptible de provoquer malaise et mécontentement. Pour Cheneaux de Leyritz, il importe surtout d’exhiber la diversité humaine comme une faute qu’il convient de faire expier.
Cette politique antisémite concernera les 587 Juifs assignés à résidence à Aulus-les-Bains. Et l’on entend dans cette ordonnance préfectorale, le petit clic supplémentaire de la machine à détruire qui tourne jusqu’à ce 26 août 1942.
C’était un mercredi, c’était à la pointe du jour.
Et nous, rassemblés ici et maintenant, que pouvons-nous entendre du fracas des valises jetées à terre, de l’affolement, des cris des familles tirées brutalement de leurs lits ? Que pouvons-nous entendre du piétinement, de la cohue, des ordres aboyés ?
Parmi les 120 personnes raflées ce jour-là, Paul Cerf nous livre ce témoignage : « Jamais je n’oublierai l’image de ce petit capitaine de gendarmerie ventru, dressé sur ses bottes et criant d’une voix hystérique : « Dégagez-moi cette racaille ! »
Les entendons-nous bien ces mots ? Ce sont les mêmes que ceux du préfet Cheneaux de Leyritz, les mêmes que ceux de Darlan, de Laval, des mots qui obéissent à la conférence de Wansee du 20 janvier 1942.
Dégagez-moi cette racaille !
Et que s’est-il passé le jour d’après ? Des chaises dans les classes de l’école se retrouvées vides, des voisins, des visages familiers ont disparu….dans la nuit et le brouillard, un euphémisme pour dire : l’horreur des convois, le crime de masse, l’extermination industrielle, la solution finale, les chambres à gaz.
Ils étaient là puis ils n’étaient plus là. Le plus jeune avait 4 ans, il s’appelait Maurice Halpern.
Dans son discours de 1995, à la commémoration de la rafle du Vélodrome d’hiver, Jacques Chirac dit : « La France, patrie des Lumières, des Droits de l’homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, a commis l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. »
Un peu plus d’un mois après la rafle du Vel’d’hiv, c’est en zone non occupée par les Allemands que les rafles s’abattent dans les différents camps de rétention et lieux d’assignation.
Alors oui, ce qui était fait au nom de Pétain, de ce gouvernement de Vichy, se faisait au nom de l’Etat Français, au nom de la France.
Si Aulus-les-Bains fut le 26 août 1942 le théâtre de la haine, rappelons que le village fut aussi un lieu d’espoir. Parmi les villageois, ils furent nombreux qui, soit en les guidant vers l’Espagne, soit en leur fournissant nourriture ou travail, soit simplement en les considérant avec bienveillance, n’ont pas vu dans ces Juifs assignés à résidence, des individus motifs de mécontentement.
C’est avec ces mêmes yeux que nous aimerions que vous regardiez les photos de l’espace muséal car chacune d’elles a une identité, une signification. Chaque photo est une vie.
Regardez-la bien cette mémoire car elle est toujours au présent !
– Danick Florentin, Présidente de MHVA